Au cours de l’été 2017, la plupart des grands médias sont tournés vers le Japon. L’UNESCO inscrit l’île d’Okinoshima au patrimoine mondial de l’humanité, le 9 juillet. Le problème est que ce lieu sacré est depuis toujours interdit aux femmes, ce que l’on dénonce comme discrimination. Pourtant, la chose est loin d’être nouvelle et les temples, sanctuaires, sites sacrés, festivals et même représentations artistiques bannissant la présence féminine ne manquent pas.
La discrimination la plus ancienne rapportée à ce jour
La plus ancienne trace de l’interdiction de la présence féminine remonte à la pratique du Shugendo. Cette tradition se déroulait au mont Ryōzen (Fukushima) où les femmes n’avaient pas le droit de pénétrer. L’une des explications est que les Chimimōryō (mauvais esprits) hantaient les montagnes et les rivières. On en bannissait donc les femmes pour protéger la descendance. Un pur geste de galanterie ? Pas vraiment ! En réalité, les adeptes de cette discipline religieuse auraient choisi ces lieux pour éviter que la gent féminine ne les dérange.

Les sectes bouddhistes et la recherche de la paix intérieure
Mais pourquoi diable une telle crainte ? Le bouddhisme considère les désirs humains, et notamment sexuels , comme une source d’anxiété et donc de malheur. La sexualité fait ainsi partie de ce que l’on nomme Les huit préceptes (Hachisaikai), indispensables à la paix intérieure. Parmi eux, l’ interdiction de tuer, voler, avoir de rapports sexuels, mentir, consommer d’alcool, manger après midi, écouter de kabuki ou utiliser des ornements ou du maquillage, et enfin dormir ailleurs qu’au sol. Et pour y parvenir, on bannit purement et simplement les femmes.
Néanmoins, comme vous le savez, il existe également des prêtresses au Japon. De ce fait, l’existence d’institutions exclusivement masculines n’est pas toujours possible. On confine donc les femmes dans des amadera, sorte de couvents que l’on appelle aussi «temples féminins» (onnnadera). Le prétexte officiel est alors de les protéger des possibles agressions sexuelles des moines (pourtant censés être exemplaires !). A ce propos, savez-vous qui était la première prêtresse du Japon ? Il s’agissait d’une dame du nom de Zenshin, qui résidait au sein du temple Sakuraiji dans la secte de Koyasan Shingon. Elle est, d’une certaine manière, un symbole du droit des femmes dans la société japonaise antique.

Le shintoïsme et le besoin de pureté
Dans le Shinto, le sang qui s’écoule du corps d’un organisme est considéré comme impur. C’est aussi le cas de toute chose qui se retrouve séparée du corps original, à l’exemple des cheveux, des ongles ou des excréments. Par conséquent, les menstruations sont un frein à l’intégration des femmes au sein des sanctuaires. Cependant, il ne s’agit pas d’une discrimination spécifiquement centrée sur la femme, puisque les hommes blessés ou qui chassaient en étaient également exclus. Ce dernier point est très intéressant, car il va nous mener à la dernière partie de notre article…

Cette discrimination relève-t-elle de la misogynie ?
On pourrait effectivement croire que ce rejet dissimule en réalité de la misogynie. Cependant, l’exclusion ne concerne pas uniquement les femmes. Il existe également de nombreux lieux et évènements interdits aux hommes, par exemple à Okinawa dans certains Utaki, ou encore dans l’acquisition du rôle de Noro. Parler d’une île à laquelle les femmes n’ont pas accès comme d’une discrimination est donc une erreur dans le sens où chaque sexe dispose de ses interdits et de ses privilège dans le domaine des religions. Il n’empêche que les inégalités reste encore trop nombreuses au sein de la société japonaise en ce qui concerne le statut de la femme.

Si vous lisez le japonais, je vous recommande l’essai d’anthropologie Nyoninkinzei (Femmes prohibées) aux éditions Yoshikawa Kobunkan.